lundi 10 octobre 2016

La rencontre avec Rousseau vue par Madame de Warens: textes d'élèves.

Une rencontre prometteuse...
Ce fut un magnifique jour, celui des Rameaux de l'année 1728. J'étais près de la rivière, la main sur la barrière, je marchais tout en pensant à la messe. Il y avait de belles fleurs dans la cour de la maison d'en face. Un oiseau posé sur un arbre chantait une jolie petite mélodie printanière. J'entendis une voix, celle d'un jeune homme chétif, âgé d'une quinzaine d'années; lorsque je me retournai, je vis un garçon avec un regard soutenu, les yeux brillants, les cheveux légèrement décoiffés, le teint vif, l'air content de me voir. Il me tendit une lettre que je lus d'une seule traite. Il y avait un courrier de M. De Pontverre et un autre du jeune homme. Il avait un style bien particulier d'écriture avec des scènes où je me crus dedans. Je voulu le relire une autre fois quand mon laquais m'interrompit pour me dire qu'il était temps d'entrer dans l'église; alors je dis au garçon : "Eh !  Mon enfant, vous voilà courant le pays bien jeune ;  c'est dommage en vérité". Et avant qu'il ne puisse me répondre j'ajoutai : "Allez chez moi m'attendre ;  dites qu'on vous donne à déjeuner, après la messe j'irai causer avec vous". Puis j'entrais dans l'église, me retournai et le vis au même endroit. Il me toisa du regard comme si l'enfant ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Enfin, la messe commença.
C. 

Madame de Warens: la madre-amante de Rousseau – QueAprendemosHoy.com 

une rencontre maternelle...
Je suis sur le chemin pour aller à la messe. Je ne suis pas en retard, j'en profite donc pour admirer le beau temps en flânant. Aujourd’hui c'est le jour des Rameaux en cette année 1728, le printemps est particulièrement agréable. Les oiseaux chantent une douce mélodie exprimant leur joie d'avoir retrouvée une chaleur ambiante après en hiver plutôt rude et froid. A main droite, j'aperçois un couple assis sur un banc entouré de fleurs et plus loin des enfants courent dans les allées sous la surveillance de leur gouvernante. Au loin, je remarque un parterre de jonquilles, j'adore ces fleurs. Sur les berges du Thiou s'élèvent de nouvelles bâtisses etd'autres sont en construction. Je suis à présent sur la place du Quai de la Cathédrale, et je m'apprête à franchir une fausse porte qui permet d’accéder à l'Eglise des Cordeliers. Soudain, j'attends une voix et me retourne. C'est un jeune garçon. Je ne saurais définir son âge mais il me semble très jeune avec sa petite taille, ses cheveux très bruns et ses yeux expressifs qui attisent ma curiosité. Je le vois, je l’attends, je l’écoute. Il me tend deux lettres d’une main tremblante, comme intimidé par ma présence. Je lui souris en les prenant. Je jette un coup d’oeil rapide à celle de M.Pontverre puis m’attarde sur la deuxième qui est sans doute la sienne. Son écriture ressemble a celle d’un jeune écrivain qui fait ses débuts. Ses phrases, ses mots, tout est choisi avec une tel précision et poésie que je pourrais la relire encore et encore sans jamais me lasser. Je vais pour la relire c’est alors que mon laquais m’informe qu’il est temps d’entrer. Je lui dit rapidement : « Eh ! Mon enfant (Je le vois tressaillir), vous voila courant le pays bien jeune ; c’est dommage en vérité. Aller chez moi m’attendre ; dites qu’on vous donne à déjeuner ; après la messe ; j’irai causer avec vous. » Il me fait un signe d’approbation et nous nous séparons.
M. 

... ou la promesse de l'amour?
Sur le chemin de l'église, un individu s'approcha de ma personne, en me tendant d'une main tremblante, une enveloppe qui m'était adressée. Deux lettres se trouvaient à l'intérieur. La première, signée par Monsieur de Pontverrre, un prête du pays voisin qui me demandait d'avoir la délicatesse d accueillir ce jeune homme dans ma demeure.
Je me concentrais davantage sur la deuxième car l'auteur, qui se trouvait en face de moi, me caressait de son regard et me provoquait un sentiment de bien être. Jamais je n'aurais imaginé son contenu si joliment travaillé par ce voyageur dont l'apparence mal soignée me fit tout à coup douter de sa sincérité. Malgré ses cheveux désordonnés, ses habits troués et ses chaussures usées, je vis en lui quelqu'un de bon, de généreux, les yeux pétillants de bonnes intentions.
Je voulus relire cette lettre afin de prolonger ce moment fort agréable. Ces écrits dont l'éloquence me rappelaient de  grands auteurs, me rendaient émotionnellement fragile. Et bouleversaient mes pensées dirigées vers mon seigneur.
Sans compter sur l'aide de mon laquais, qui me ramena brutalement vers le chemin de Dieu : Il était temps de rentrer dans l'église. Triste de quitter ce jeune homme sans avoir eu la possibilité d'en connaître davantage sur sa vie, je décide tout naturellement  de lui indiquer ma demeure afin de lui offrir un peu de confort.
" Et mon enfant vous voilà courant le pays bien jeune, c'est dommage en vérité ."
J'eus cette soudaine sensation qu'il s'apprêtait à converser , mais le temps ne s'y prêtant pas , je l'interrompis.
"Allez m'attendre chez moi et dites qu'on vous donne à déjeuner ; après la messe j'irai causer avec vous."
Pressé par le laquais, je l'invitais à se rendre dans mes appartements tandis que j'entrais dans la maison du seigneur.
Malgré ma grande foi ce jeune homme absorbait mes pensées les plus profondes.
P.

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